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Les minéraux des roches sédimentaires en microscopie

Dans cette page :


Introduction

Le microscope utilisé en géologie s’appelle le microscope polarisant. La principale différence avec le microscope biologique est la présence d’une platine tournante et de deux filtres polarisants (l'analyseur est mobile et il se situe au-dessus de la platine, le polariseur se situe en-dessous) :

Microscope1

Photo d'un microscope polarisant (A: Oculaire, B: Analyseur amovible, C: Objectifs, E: Platine tournante, F: Polariseur monté sur le bloc éclairage, G: Variateur d'intensité lumineuse, H: Commandes de mise au point).

Pour pouvoir étudier une roche, on réalise une lame mince ('thin section'): c’est une coupe de roche très fine (environ 30 µm) qui laisse passer la lumière et peut donc être observée au microscope. Pour réaliser une lame mince, plusieurs étapes sont nécessaires : le sciage est effectué à l'aide d'une scie circulaire diamantée. Il permet d’obtenir un petit cube de roche (le ‘sucre’ ou 'talon' de roche). Le polissage permet ensuite d'obtenir une face plane et lisse (il nécessite d'utiliser de la poudre abrasive). Le collage est réalisé sur une plaque de verre, et enfin l’affinage se fait en général à l’aide d’une machine appelée rectifieuse. La mise à l'épaisseur finale est généralement manuelle (le but étant d'atteindre une épaisseur standard de 30 µm) .

L’observation peut se faire de deux manières selon la position de l’analyseur :

  • en lumière polarisée non analysée (LPNA) = lumière ‘naturelle’ : l’analyseur n’est pas en place,
  • en lumière polarisée analysée (LPA) : l’analyseur est en place.

* Attention les informations présentées dans cette page sont destinées à des débutants !

Comment étudier les minéraux dans une lame mince

De nombreuses caractéristiques, visibles en LPNA ou en LPA, permettent une identification précise des minéraux.

Caractéristiques observées en LPNA

  • Minéraux opaques et non opaques (‘Opaque and nonopaque minerals’) : Les minéraux opaques apparaissent toujours noirs (en LPNA et en LPA), car ils ne laissent passer aucune lumière (ex. de minéraux opaques : magnétite (oxyde), pyrite (sulfure)).
  • Forme des cristaux et habitus (‘Crystal shape and habit’) : On peut distinguer les minéraux xénomorphes, qui n'ont pas développé leur forme cristalline typique, et les minéraux automorphes, à forme cristalline bien développée (‘xenomorphic and idiomorphic minerals’). Pour décrire les formes et les habitus des minéraux, il faut utiliser un vocabulaire précis, par exemple : forme rectangulaire, carrée, hexagonale, arrondie, aciculaire (en forme d’aiguille), prismatique, tabulaire, rhomboédrique, feuilletée, oolitique, massive…
  • Clivage (‘Cleavage’) : De nombreux minéraux présentent un clivage, apparaissant généralement sous la forme d’un ensemble de lignes foncées, parallèles, rectilignes. Il s’agit d’un critère diagnostique important. On utilise des termes qualitatifs tels que parfait, bon, médiocre et mauvais pour décrire la facilité avec laquelle un minéral se clive dans différentes directions. Certains minéraux peuvent présenter plusieurs clivages.
  • Couleur et pléochroïsme (‘Color and pleochroism’) : La couleur d’un minéral est définie en LPNA (et non pas en LPA). De nombreux minéraux, même s’ils sont colorés macroscopiquement, peuvent être presque incolores en lame mince. Certains minéraux courants sont facilement reconnaissables grâce à leur couleur (par exemple, la biotite est brune). Lorsqu’un minéral présente des changements de couleur avec la rotation de la platine, on parle de pléochroïsme.
  • Relief (‘Relief’) : Ce terme décrit le contraste entre le minéral et le milieu environnant. Certains minéraux ont un relief élevé, par exemple le grenat (leur indice de réfraction est supérieur à celui du milieu environnant), d'autres ont un relief modéré (ex : biotite, muscovite) ou faible (ex : quartz). Quelques minéraux (comme la calcite) présentent un relief variable selon la rotation de la platine ; c'est un critère diagnostique utile.
  • Altération (‘Weathering’) : Dans les roches sédimentaires, c'est une caractéristique fréquente de certains minéraux, parfois utilisée comme propriété diagnostique (exemple des feldspaths).

Caractéristiques observées en LPA

  • Minéraux isotropes et anisotropes (‘Anisotropic vs Isotropic minerals’) : La plupart des minéraux sont anisotropes (ont des propriétés différentes dans les différentes directions). Observés en LPA, les grains anisotropes s'éteignent tous les 90° lorsque l’on fait tourner la platine du microscope (ils deviennent totalement noirs, c'est ce qu'on appelle « l'extinction »). Les minéraux isotropes sont des minéraux qui possèdent les mêmes propriétés dans toutes les directions. Ils sont faciles à repérer en lames minces : en LPA, ils sont toujours éteints (ils restent noirs). Il existe peu de minéraux isotropes courants (ex : le grenat, la halite).
  • Couleur d’interférence et biréfringence (‘Interference colors and birefringence’) : Les minéraux anisotropes, à moins d’être observés selon un axe optique, induisent une séparation de la lumière polarisée en deux rayons lorsqu’elle traverse le grain. Les rayons peuvent ne pas se déplacer à la même vitesse ou suivre exactement le même chemin. Une valeur, appelée biréfringence, décrit la différence de vitesse des deux rayons. Lorsque les rayons émergent du grain, ils se combinent pour produire des couleurs d’interférence. Les couleurs d'interférence ne sont visibles qu'en LPA, et peuvent correspondre à n’importe quelle teinte du spectre lumineux. Au fur et à mesure que la biréfringence augmente, les couleurs se répètent (fig. 2), mais deviennent de plus en plus pastel (délavées). Pour décrire les couleurs d'interférence, il faut spécifier à la fois une teinte et un ordre (par exemple, rouge de 2e ordre ; voir le tableau ci-dessous). Les minéraux à faible biréfringence ne présentent que des couleurs d'interférence blanches, grises et noires. Les minéraux à très haute biréfringence, comme la calcite, présentent des couleurs si faibles qu'ils peuvent apparaître comme blanc « perle ». Les couleurs de biréfringence et d'interférence varient pour un minéral donné en fonction de la direction que suit la lumière à travers le grain. Elles changent également à mesure que la platine du microscope tourne. Les couleurs d'interférence « maximales » (ordre le plus élevé) sont diagnostiques pour un minéral donné (mais ces couleurs dépendent de nombreux facteurs, notamment de l'orientation des grains, de l'épaisseur de la lame et des variations de composition du minéral).
  • Macles, zonations et extinction ondulante (‘Twinning, zoning, and undulatory extinction’) : De nombreux minéraux font des macles (par exemple, le plagioclase, la calcite), et parfois ces macles peuvent être observées au microscope, en LPA (car les différentes macles ont des orientations cristallographiques différentes, et ne s'éteignent donc pas en même temps lors de la rotation de la platine du microscope). Les zonations se produisent lorsque différentes parties d’un minéral ont des propriétés optiques différentes (par exemple, cas des minéraux qui cristallisent à partir du magma à des températures variables). L'extinction ondulante se produit lorsque différentes parties d'un cristal s'éteignent à différents moments avec la rotation de la platine. Cette propriété découle de la contrainte imposée à un cristal après sa formation. L'extinction ondulante est courante pour le quartz (c'est un critère diagnostique).

 

Illustration microscopie1

 

Quelques caractéristiques microscopiques des minéraux (forme, relief, clivage).

Echelle birefringence

Echelle de biréfringence (cliquez pour agrandir).

Quelques photos de lames minces

Les images ci-dessous permettent d’illustrer certaines de ces caractéristiques :

1. Exemples de clivages bien nets dans un cristal de calcite de forme xénomorphe, au centre de l'image (LPNA).

Clivage lame 32 lpna

2. Autres exemples de clivages nets, toujours dans des cristaux de calcite (LPNA, même lame que l'image précédente). Comme on peut le voir sur cette image, la calcite présente deux clivages (avec un angle de 75°).

Clivage 2 lame 32 lpna

3. Exemple de zonation dans un cristal automorphe de tourmaline. Les minéraux fibreux qui entourent ce cristal sont des cristaux de biotite et de muscovite (LPNA).

Mineral zone automorphe lame ham tourmaline lpna

4. Exemple de différence de relief : le minéral situé au centre se caractérise par un fort relief (c’est un pyroxène). Il est entouré de minéraux à faible relief (quartz, biotite, muscovite). La biotite est colorée en brun (LPNA).

Mineraux fort relief m1b lpna pyroxene

5. Exemple d’altération : le minéral situé au centre est nettement altéré : c’est un feldspath. Il est entouré de cristaux de quartz limpides (LPNA).

Mineraux alteres feldspath et quartz lame 35 lpna

6. Exemple d’un cristal de quartz présentant une faible teinte de biréfringence du 1er ordre (LPA).

Birefringence faible quartz lame 29 lpa

7. Exemples de cristaux de muscovite présentant des teintes de biréfringence élevée du 3ème ordre (LPA).

Birefringence forte lame m1b muscovite

8. Exemples de pléochroïsme sur des cristaux de biotite (B). Dans l'image du haut, ces cristaux sont colorés en brun clair, tandis qu'ils ont une teinte brun foncé dans l'image du bas, obtenue après rotation de la platine (LPNA).

Pleochroisme 2

Pleochroisme 1

 

Principales caractéristiques des minéraux des roches sédimentaires

Dans le tableau ci-dessous vous trouverez les principales caractéristiques microscopiques des minéraux les plus courants dans les roches sédimentaires :

Minéral

Couleur

Clivage

Relief

Biréfringence

Extinction

Autres caractéristiques

Quartz

Incolore

Aucun

Très faible

Faible (1er ordre,  gris / blanchâtre)

Droite

Aucune altération (aspect bien limpide en LPNA). Contient souvent des inclusions (aspect ‘poussiéreux’). Attention : couleur de biréfringence jaune quand la lame est trop épaisse.

Feldspaths

Incolore

Deux (à 90 ° / 93 °)

Faible

Faible (1er ordre)

Légèrement oblique à oblique

Souvent très altérés dans les RS. Présence fréquente de macles. Groupe comprenant de nombreuses espèces minérales. A ne pas confondre avec le quartz !

Muscovite (mica blanc)

Incolore

Unique, régulier et fin.

Modéré

Elevée (3ème ordre)

Imparfaite sub-droite

Limpide. Aspect fibreux, lamellaire. Pas de clivage sur les sections basales.

Biotite (mica noir)

Brune ou verte

Unique, régulier et fin.

Modéré

Elevée (3ème ordre)

Imparfaite sub-droite

Aspect fibreux, lamellaire. Couleur de biréfringence souvent masquée par la couleur naturelle. Souvent pléochroïque (vert/marron).

Glauconite

Verte

Rarement observable

Modéré

Assez élevée (2ème ordre) mais masquée par la couleur naturelle

Droite

Souvent pléochroïque (vert/jaune). Aspect souvent arrondi (forme de péloïdes).

Calcite

Incolore à grisâtre

Parfait et bien marqué (deux à 75°)

Fort mais variable

Très forte (couleurs pastel) avec des irisations multicolores

Symétrique

Souvent altérée (aspect brun en LPNA). Macles souvent présentes.  Souvent d’origine biologique (bioclastes).

Dolomite

Incolore à grisâtre

Parfait et bien marqué (deux à 75°)

Fort

Très forte (couleurs pastel)

Symétrique

Souvent en rhomboèdres avec sections automorphes de forme losangiques. Difficile à distinguer de la calcite.

Gypse

Incolore à très légèrement gris, jaune ou brun

Parfait

Très faible

Faible (1er ordre, jaune)

Oblique

Cristaux souvent allongés, en masses fibreuses. Présence fréquente de macles.

Anhydrite

Incolore

Clivages rectangulaires bien visibles

Faible à moyen

Elevé (3ème ordre, vert)

Droite

Cristaux anhédraux à subhédraux, en lattes.

Halite

Incolore

Oui

Faible

Isotrope

/

Pyrite

Minéral opaque. Forme souvent cubique. Peut aussi former des agrégats de microcristaux appelés « framboïdes » (ou pyrite ‘framboïdale’, c’est-à-dire en forme de framboise).

Phosphates

On trouve l'apatite cristalline (minéral détritique) ou le plus souvent sous la forme de coprolithes et de fragments d'os et de dents. Ces fragments possèdent une couleur jaune d'or, sont isotropes et montrent souvent des structures de croissance.

 

Quelques références utiles :

  • ADAMS A.E., MacKENZIE W.S. et GUILFORD C., 1984 : Atlas of Sedimentary Rocks under the Microscope, édition Longman, 104 p.
  • MacKENZIE W.S. et ADAMS A.E., 1999 : Initiation à la pétrographie, édition Dunod ; 192 p.
  • MacKENZIE W.S. et GUILFORD C., 1992 : Minéraux de roches observés en lame mince, édition Masson, 98 p.
  • https://opengeology.org/Mineralogy/ (et plus spécifiquement les pages nommées '14 Mineral description' et '5 Optical Mineralogy')

Pour plus de photos :

Pour voir ma vidéo sur Youtube :

"Les minéraux des roches sédimentaires en microscopie"

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Date de dernière mise à jour : 09/04/2024

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